A LIVRE OUVERT
Notre choix de lecture
Moon Palace, de Paul Auster
« Rien ne saurait étonner un Américain. » Telle est l’épigraphe empruntée à Jules Verne par laquelle Paul Auster invite le lecteur à suivre les tribulations de son héros.
Marco Stanley Fogg (joyeux mélange de Marco Polo, Henry Morton Stanley et Phileas Fogg) raconte ici les circonstances étranges qui ont marqué le commencement de sa vie, depuis son arrivée à New York en 1965 jusqu’à ce que, sept ans plus tard, il découvre l’identité de son père… à temps pour assister à son enterrement. Et ses amours, ses rencontres, sa misère, ses errances dans les paysages mythiques de l’Amérique rêvée constituent le matériau d’un formidable roman d’aventures en même temps qu’elles apparaissent comme les étapes d’un voyage initiatique aux confins de la solitude et de la déréliction, thèmes fondateurs de l’œuvre de l’écrivain.
Autour du roman de Yasmina Liassine « L’Oiseau des Français ».
Notre discussion fut très consensuelle, chacun ayant trouvé la lecture agréable et très intéressante. Ce premier roman d’une mathématicienne (quel paradoxe!) a donc trouvé son public auprès des membres de notre club.
C’est pourquoi, plutôt qu’une synthèse incomplète et frustrante, je leur laisse la plume pour ce compte-rendu.
Les commentaires d’Arlette
J’ai bien aimé ce livre. Yasmina Liassine nous décrit très bien ses déchirures mais aussi ses espoirs d’une Algérie dont elle a rêvé mais qui ne correspond plus à la réalité. On la sent tiraillée entre deux mondes : celui où elle a grandi, où pouvaient cohabiter « chrétiens, juifs, musulmans, riches et pauvres » et celui actuel où « ce sont paradoxalement les femmes assignées à résidence par les hommes qui créent un pont entre le passé et le présent » (à travers, par exemple, leur cuisine où se mêlent allègrement « makroud et tarte au citron » « couscous et pot-au-feu ») et où toutes les traces du passé français sont effacées.
« Nous avions grandi dans l’idée que nous vivrions là, être une part de l’Algérie et y élever nos enfants. »
Cette utopie disparue, Yasmina Liassine s’installe en France mais elle ne sait jamais quand elle vole entre Paris et Alger si elle part ou si elle revient.
« Fallait-il renoncer à l’espoir d’une vraie fraternité? »
Quel déchirement pour elle ! Elle nous offre un témoignage très fort et décrit « l’impossibilité d’y vivre, de s’y projeter et l’égale impossibilité de s’en détacher absolument ; ah, quel chagrin ! »
L’autrice décrit avec beaucoup d’aisance son propre ressenti et ce livre doit sûrement interpeller avec justesse toutes celles ou ceux qui ont vécu une situation semblable.
Un bémol cependant : j’ai trouvé le style parfois confus avec des phrases interminables et l’utilisation peut-être excessive d’inversions du sujet.
Les commentaires de Pierre
Très bon livre qui donne la parole à des femmes qui ont espéré un avenir radieux pour l’Algérie durant ce XXe siècle. Leurs témoignages sont émouvants.
La question devient tout de suite : « Pourquoi tant de désillusions et de souffrances ? »
Comme le précise Jacques Frémeaux, dès la prise d’Alger en 1830, « les Français ne sont pas accueillis en libérateurs des Ottomans par la population locale qui attendait des renforts du Sultan de Constantinople dans le cadre d’une solidarité musulmane pour les libérer des nouvelles autorités ».
Les Français n’ont pas compris la place de l’Islam en terre musulmane dès 1830.
Ce furent 132 années de présence française sur un territoire que la France appelle l’Algérie.
Alors que le Maroc et la Tunisie devenaient des protectorats français, nos cours d’histoire ont très peu fait état du crédo des nationalistes algérien dès 1920 :
Ma religion est l’Islam. Ma langue l’arabe. Mon pays l’Algérie.
Tout est dit : dès 1830, il n’y eut que des illusions de conquêtes, de pacifications et de développements partagés qui menèrent à de cruelles désillusions.
L’écho des discours de Jules Ferry du 28 juillet 1885, sur « la mission civilisatrice de la France pour les races inférieures », ne préparaient pas les Français aux mouvements mondiaux de libération des colonies après la deuxième guerre mondiale. D’où les illusions et désillusions de beaucoup de Français et surtout de ces jeunes Françaises dont Yasmina Liassine montre l’expérience douloureuse.
Les commentaires de Simone
De mon point de vue le livre de Yasmina Liassine « L’oiseau des Français » est un document précieux et unique de la vie quotidienne des résidents d’Algérie de double nationalité (algérienne et française) à un moment charnière de ce pays qui va de la date de la signature des accords d’Evian en 1962 (qui mettent fin à 132 années de colonisation française et à sept années de guerre) à la période de l’indépendance.
Yasmina nous raconte avec ses yeux d’enfant et d’adolescente la vie qui a été la sienne et le ressenti qu’elle garde de ces années particulières. Dans son témoignage, nulle idéologie, nulle croyance ne déforme la nature de son existence d’alors. Elle nous livre une vérité toute en nuance et d’une grande sensibilité.
« Le sentiment que j’avais depuis longtemps, c’est que l’Algérie dont on parlait tant n’était pas le pays que j’avais connu, si bien que je me suis dit qu’il y avait quelque chose à en dire. Malgré tous les propos des uns et des autres qu’on ne pouvait pas changer, c’était le temps passé là, c’était l’imbrication, l’intrication, l’entrelacement des langues, des mœurs, des usages, c’était que la France était toujours un peu là, comme avaient été là les autres, les Romains, les Phéniciens, les Arabes, les Turcs. Le temps ne pouvait pas s’annuler. »
Devenue adulte, la narratrice réalise qu’un pays, où cohabitent encore les époques et les communautés, existe de manière souterraine dans la mémoire des femmes dont elle évoque les destinées : ce sont elles qui, par la transmission de savoirs précieux sur les plantes, la terre, les étoffes ou la nourriture, tissent ensemble passé et présent.
Ce livre est aussi un magnifique voyage au cœur de la question si complexe et si contemporaine, des identités partagées entre les deux rives de la Méditerranée.
En résumé un témoignage intelligent, subtil et d’une grande humanité sur une période sans pareille.
Les commentaires de Christine
J’ai été assez décontenancée par ce roman très personnel et très particulier. Dès le début, la présence, la description et la symbolique du labyrinthe de la cathédrale d’Alger préfigure l’ensemble du récit, lui aussi en forme de labyrinthe, explorant l’identité algérienne post-coloniale.
La narratrice nous embarque dans ses réflexions entre passé et présent, mêlant souvenirs d’enfant, récits des amis, connaissances ou membres de la famille de son père. J’ai été parfois un peu perdue entre les deux époques.
Le débat sur l’identité (vrai algérien = musulman) lors des premiers pas de l’Algérie indépendante a ressurgi dans les années 1990 (la deuxième guerre) et demeure très actuel.
Toute la fin du roman est beaucoup plus construit (récit de la cousine Anissa). Il éclaire et explique la première partie, beaucoup plus impressionniste en fait.
Yasmina Liassine s’interroge sur le but et le contenu de son écriture. Et elle raconte de façon très concrète la vie quotidienne des familles, les recettes de cuisine, le rôle des femmes de ménage et leur place dans les maisons et foyers des Français (qui les ont abandonnées à l’indépendance en retournant en métropole) (chapitre 8).
Le style de Yasmina Liassine est agréable, malgré trop d’incises (à mon goût). Mais elle a de très jolies formules comme celle-ci : « J’aimais Anissa parce que, de tous ces malheurs, elle faisait malgré tout une fragile échelle de corde à laquelle je pouvais m’agripper. » (Chapitre 16, p.159).
En résumé, j’ai été touchée la subtilité et la délicatesse de ce roman et les réflexions de l’autrice sur l’identité partagée.
Merci beaucoup à Claire de nous avoir fait faire un bout de chemin à ses côtés en nous partageant ses souvenirs familiaux en Algérie.
Le Paquebot, de Pierre Assouline
A deux exceptions près, notre club a manifesté un certain rejet de ce « Paquebot » et de la croisière dont Pierre Assouline fait le récit.
Le début de la lecture est assez fastidieux (Simone), voire difficile (René) car les portraits des croisiéristes sont trop nombreux, il y a dès les premières pages trop de noms à garder en mémoire, et trop de références littéraires (ne pas oublier que le narrateur est un bibliophile, donc un homme de culture). Des longueurs également et des passages sans grand intérêt ont été relevés. Mais qui révèlent bien la vacuité de la croisière.
Mais chacun s’est accroché au bastingage pour accompagner en cette année 1932 les passagers, petit monde privilégié et cosmopolite, micro-société aux idées divergentes qui vont partager ce huis-clos flottant.
Les courts-circuits électriques se multiplient dans les cabines (signes avant-coureurs du drame final) en même temps que montent les inquiétudes (ou pas) politiques des voyageurs (début de la montée du nazisme).
Certaines réflexions du narrateur sur la notion du temps qui passe, le suicide, permettent de prendre de la hauteur (Pierre).
Le temps passe ainsi entre confrontations d’idées, dîners, piscine (nocturne), fumoir, au gré des vagues. Enfin, le port d’arrivée se profile. René avoue avoir été soulagé. Et le naufrage (qui vit la disparition du journaliste Albert Londres), sur la route du retour, l’a définitivement libéré de cette lecture menée à contre-cœur.
Seules Françoise et Christine ont apprécié ce roman d’atmosphère, par les réflexions qu’il suscite : sur la solitude, sur l’isolement, sur la tolérance (et l’intolérance). Grâce aussi à tous ces portraits drôles parfois, caustiques souvent et les analyses d’une époque (les années 30) qui sur de nombreux points peuvent être appliquées à la nôtre.
En conclusion, et après notre discussion, ce roman a suscité davantage d’adhésion et de compréhension.
René a assoupli son analyse mais a cependant conservé la note annoncée d’entrée : 3/10.
Notre choix de lecture
Nous n’avions, de fait, pas tranché parmi les propositions, car nous nous sommes laissé le choix justement entre deux lectures fort différentes (les plus courageux d’entre nous ont lu les deux livres).
TOUT DORT PAISIBLEMENT SAUF L’AMOUR, de Claude Pujade-Renaud.
Une lecture jugée exigeante, voire peu accessible donc difficile car le personnage central est le philosophe, théologien, écrivain et poète danois Soren Kierkegaard (1813-1855). Philosophe sorti de l’ombre en 1963, a rappelé Pierre, grâce à un article de Paul Ricœur. C’est dire s’il nous était peu familier.
Quelques recherches (merci Wikipedia) ont permis aux plus opiniâtres d’entre nous de posséder certains éléments de biographie, sinon de brides de sa philosophie.
La trame du « roman » de Claude Pujade-Renaud.
Soren Kierkegaard, fiancé à Régine Olsen, rompt sans explication cet engagement. Quelques années plus tard, Régine Olsen se marie avec Frédérik Schlegel (son ancien précepteur) et mène une vie tranquille et heureuse dans la bonne société protestante de Copenhague, puis aux Antilles néerlandaises dont Frédéric devient le gouverneur. C’est là qu’elle apprend la mort de Soren, à l’âge de 42 ans. Et la question qui l’a taraudée toute sa vie revient en force : pourquoi Soren a-t-il rompu ?
Ce roman à plusieurs voix permet de cerner la personnalité de Kierkegaard et d’échafauder des éléments d’hypothèse sinon de réponse à la grande interrogation du récit.
Chaque chapitre expose le point de vue, les états d’âme, les réflexions des acteurs du roman : Régine, Frédérik, Henrik Lund (neveu de Kierkegaard), Henriette Lund (nièce de Kierkegaard).
Régine mène une sorte d’enquête pour découvrir la personnalité de Soren et les raisons qui l’ont conduit à rompre ses fiançailles. C’est donc à un « va-et-vient » permanent entre la trame biographique, les références aux œuvres et correspondances de Kierkegaard et les interrogations sentimentales et existentielles que se prête Claude Pujade-Renaud. Bribes essentielles de vie et d’œuvre pour tenter de lever le voile sur l’énigme Kierkegaard !
« C’est une histoire originale et inattendue qui nous est contée car je ne m’attendais pas à rencontrer ce philosophe », témoigne Simone. Outre notre découverte de Kierkegaard, notre discussion s’est orientée vers la raison de la rupture, raison qui est plus suggérée que réellement explicitée. Le poids des secrets, l’hérédité, la transmission familiale ont été mis en avant. « Je regrette que Claude Pujade-Renaud n’aborde qu’à la fin de son roman « la monstruosité tue » (non dite), c’est-à-dire le comportement du grand-père et du père de Soren. L’auteure nous offre un genre de roman policier avec une énigme que nous découvrons à la fin, alors qu’elle pouvait écrire un remarquable roman psychologique », a conclu (provisoirement) Pierre.
René, ayant préféré une partie de pêche à la truite en Auvergne, n’a pas pu noter ce roman.
NYMPHEAS NOIRS, de Michel Bussi.
Peu de lecteurs parmi nous pour ce roman proposé en alternative ou en supplément au livre cité plus haut. Notre discussion fut donc brève une fois échangés les commentaires sur Giverny, le musée de l’Orangerie à Paris, l’amitié Monet/Clémenceau. Christine a, de plus, souligné le véritable travail d’horlogerie que constitue l’écriture de ce roman.
Pas de note non plus pour ce thriller qui nous fait percer certains secrets du peintre impressionniste.
Quelques lectures pour l’été
La nuit du premier jour, de Theresa Révay
Lyon, 1896. Blanche est l’épouse modèle d’un soyeux de renom. En dépit de son amour pour ses enfants, elle étouffe parmi ces bourgeois corsetés. Jusqu’à ce que son regard croise celui de Salim, un négociant
fortuné de Damas. Elle abandonne tout pour la promesse inespérée du bonheur. Les routes de la soie deviennent celles de la passion et de l’exil. Tandis que sa fille grandit en la croyant morte, Blanche
s’invente une nouvelle vie au Levant.
Quand la France entre en guerre, l’Empire ottoman réprime dans le sang la révolte arabe. Prises dans la tourmente, mère et fille choisissent chacune la liberté au prix fort. Resteront-elles à jamais séparées ? Ou
seront-elles enfin, un jour, face-à-face aux confins du désert ?
De l’aube du XXe siècle à l’été 1920, des soieries lyonnaises aux ruines de Palmyre, Theresa Révay nous emporte dans un grand roman de passion et d’histoire, sublime portrait d’une femme trop libre pour son temps.
La vengeance du pardon, de Eric-Emmanuel Schmidt
Recueil de quatre nouvelles : deux sœurs jumelles que tout oppose moralement s’aiment et se haïssent tout au long de leur vie ; un homme jouisseur abuse d’une fille candide et lui arrache son enfant ; un père dur et fermé s’humanise au contact de sa petite fille avec qui il se plonge dans le lecture du « Petit Prince » et une femme rend régulièrement visite à l’assassin de sa fille en prison.
La maîtresse italienne, de Jean-Marie Rouart
Belle, jeune, légère, la comtesse Miniaci est au cœur d’une énigme historique de première grandeur. Quel fut son rôle dans l’évasion épique de Napoléon de l’île d’Elbe ? Sans elle, l’Empereur n’aurait pu tromper
la surveillance de tous ceux qui guettaient le moindre de ses mouvements. Particulièrement le jeune colonel Neil Campbell, chargé par les Anglais d’empêcher sa fuite. Dans quelle mesure la passion de
l’officier britannique pour la belle Florentine a-t-elle permis de déjouer les plans des puissances alliées engagées au congrès de Vienne dans des négociations aussi âpres le jour qu’agrémentées, la nuit, de fêtes, de complots et d’intenses échanges amoureux ? Cette passion torride entre le colonel et la séduisante comtesse ne fut-elle pas un piège ? Et tendu par qui ? Seule certitude, sans la comtesse Miniaci la
formidable épopée des Cent-Jours, l’invasion d’un pays par un seul homme, n’eût pas été possible.
Lincoln Highway, de Amor Towles
Juin 1954. Emmett Watson, dix-huit ans, rentre chez lui, dans le Nebraska, après avoir passé quinze mois dans un centre de détention pour mineurs. Il y retrouve Billy, son frère de huit ans. Leur père vient de
mourir, leur mère les a abandonnés des années auparavant, et la banque s’apprête à saisir la ferme familiale. Les deux frères doivent partir, mais où aller ? Leur choix se porte sur la Californie : Billy espère
y rejoindre leur mère après avoir découvert les cartes postales que celle-ci leur a envoyées tout au long de la Lincoln Highway, route mythique traversant tout le pays qu’elle a empruntée des années plus tôt pour
fuir à l’autre bout des États-Unis.
Leur plan est chamboulé lorsque deux codétenus d’Emmett en cavale, le roublard Duchess et son acolyte Woolly décident de se joindre à eux. À peine le voyage entamé, Duchess et Woolly décampent dans la
voiture d’Emmett, emportant le pécule laissé par son père et leurs rêves de vie nouvelle. Les deux frères se lancent alors à leur poursuite.
Notre choix de lecture
CES IMPOSSIBLES FRANÇAIS, de Louis-Bernard Robitaille
« Bof, bof ! », a dit Claudine. La discussion sur notre choix de lecture commençait mal. D’autant que Christine en a ajouté une couche : « J’ai été déçue et je me suis sentie flouée. La lecture de la 4e de couverture était pourtant très alléchante… » Pour elle, la promesse de réflexions et d’analyses percutantes et humoristiques sur les us et coutumes des Français n’était pas vraiment tenue. Le premier chapitre l’a rebutée et elle a failli abandonner la lecture. Le ton persifleur et ironique de l’auteur l’a pourtant incitée à continuer.
Au contraire, Pierre a beaucoup souri et même ri sur ce chapitre traitant des mœurs amoureuses qualifiées de frivoles. Les sujets abordés tout au long de cette enquête sont très variés (vie en société, protocole,
milieux politiques et intellectuels, place de la France dans le monde…). A chaque page, les travers des Français et leurs manières parfois très « Ancien régime » sont soulignés. Pierre a pris beaucoup de plaisir à cette lecture, la jugeant très pertinente et souvent hilarante. « J’ai trouvé intéressant cet autre regard porté sur la société française. »
La comparaison avec d’autres pays (Etats-Unis, Italie, Grande-Bretagne) a été appréciée de tous même si les témoignages et les exemples apportés ont été jugés « datés » (le livre a été publié en 2010).
Françoise, qui n’avait pas lu le livre, a conclu notre réunion : « J’ai été emballée par cette discussion. Je vais lire Ces impossibles Français sans délai. »
Pas de note de René, absent.
Notre choix de lecture
LA PESTE, d’Albert Camus
Peu d’enthousiasme pour ce « monstre » de la littérature d’après-guerre. Les thèmes chers à Camus (l’absurde, la peine de mort, la place de l’homme) n’ont pas trouvé grand écho dans notre club. Il est vrai que ce dernier avait été quelque peu déserté par ses membres.
Mais comme d’habitude le débat a eu lieu, notamment alimenté par l’absence de contexte historique de ce roman. En effet, Alger avait subi quelques années avant la parution de « La Peste » une épidémie de peste. Mais rien à voir avec la situation décrite par Albert Camus. La geste romanesque n’est pas l’histoire documentée. Au grand regret de Pierre qui, historien dans l’âme, a été dérangé par cette relation inspirée d’un événement antérieur mais déformée car romancée.
A été par ailleurs relevée l’absence d’Arabes dans ce roman dont l’action se déroule en Algérie. Il y a juste une phrase en début de roman où apparaît le mot Arabe et qui fait référence à l’autre roman monument de Camus « L’Etranger » : « Gand (un des personnages du roman) avait même assisté à une scène curieuse chez la marchande de tabac. Au milieu d’une conversation animée, celle-ci avait parlé d’une arrestation récente qui avait fait du bruit à Alger. Il s’agissait d’un jeune employé de commerce qui avait tué un Arabe sur une plage. »
Notre débat a été alimenté en second lieu par notre expérience du confinement subi il y a quatre ans lors de l’épidémie mondiale de Covid. La ville d’Oran où se passe l’action a été fermée suite aux cas de peste qui y sont apparus. Chacun des protagonistes, outre sa lutte contre l’épidémie, adopte une attitude différente face à l’enfermement qu’il affronte : dépassement de soi, dévouement, profit, désespoir, fuite, etc.
Ce qui nous a conduit à discuter de l’allégorie de la résistance au nazisme, « la peste brune » et ses rats, que certains contemporains de Camus ont vu dans son roman. Les comportements individuels induits dans le roman par le fléau peuvent être comparés à ceux observés durant l’occupation allemande.
Des sujets de discussion bien graves. Mais Albert Camus n’est pas connu pour être un écrivain-philosophe léger!
Notre choix de lecture
LA DAME A LA LICORNE, de Tracy Chevalier
Notre club de lecture s’est transformé en atelier « Histoire de l’art » : nous avons davantage discuté des fameuses tapisseries que du roman de Tracy Chevalier proprement dit. En effet, la trame du livre (sans jeu de mots) nous a un peu déçus pour diverses raisons : manque de précisions techniques sur l’art de la tapisserie, inexactitudes historiques et géographiques, personnages parfois caricaturés ou au contraire trop peu présents.
L’intrigue se noue dans deux lieux : Paris, chez Jean Le Viste, grand bourgeois proche du roi et Bruxelles, dans l’atelier de Georges, le maître lissier. La structure du roman en revanche a été appréciée. Plusieurs narrateurs font les uns après les autres avancer le récit : Nicolas, l’artiste ; Claude, la fille aînée du commanditaire Jean Le Viste ; Geneviève, la femme de ce dernier ; Georges, le maître lissier flamand ; Philippe, le cartonnier ; Aliénor, la fille de Georges ; Christine, la femme de Georges.
Le roman raconte la course contre la montre pour livrer à temps les six tapisseries, le badinage parfois très poussé entre le fringant Nicolas et la jeune Claude, la résignation de Geneviève et son refuge dans la religion, les délices du jardin d’Aliénor et la détermination de Christine pour faire marcher la maisonnée. Le tout est assez bien ficelé et se lit somme toute agréablement.
Notre discussion s’est beaucoup plus intéressée à l’origine restée mystérieuse des six tapisseries. Nos recherches n’ont pas apporté beaucoup de clarté. Mais nous avions sous les yeux des reproductions de chacune d’entre elles : l’Ouïe, la Vue, le Goût, l’Odorat, le Toucher et Mon seul désir.
Ainsi nous avons pu admirer le travail des artisans tapissiers, le bestiaire et toutes les fleurs des scènes reproduites. Et constater que Tracy Chevalier a bien décrit les détails de chacune d’entre elles relevant, pour les besoins du roman, les ressemblances entre la femme représentée et la femme fictive dont Nicolas était tombé amoureux.
Ces tapisseries sont visibles au Musée de Cluny/Musée National du Moyen-Age à Paris. Une visite à programmer impérativement lors d’un voyage à la capitale.
La note de René, qui a bien aimé car il a vaincu, grâce à cette Dame à la licorne, le spleen de ce mois d’avril pluvieux : 8/10
Sur le même mode de narration et du même auteur : « La jeune fille à la perle », qui nous fait vivre les aventures, dans l’atelier de Vermeer, d’une jeune servante à Delft, au XVIIe siècle, l’âge d’or de la peinture hollandaise.
Notre choix de lecture
« NE FAITES CONFIANCE A PERSONNE », de T.M. (Thomas Muldrup) Logan.
Notre réunion a mal commencé. Personne n’a vraiment été emballé par ce roman policier. Même si chacun a reconnu une lecture plutôt agréable, l’enquête déroulée par T.M. Logan n’a pas totalement convaincu. Mais elle a donné du grain à moudre pour la suite de notre discussion qui s’est vite révélée riche et animée.
Bien qu’il reconnait que ce livre ne devrait pas avoir sa place dans une réunion à « caractère littéraire », René avoue cependant : « Ce n’est pas un grand livre mais j’ai aimé cette enquête palpitante. Pas de petites phrases pépites à retenir, mais une histoire avec des personnages qui ont bien tenu leur rôle, malgré une intrigue compliquée qui m’a tenu en haleine jusqu’au bout. »
« Pas du tout, rétorque Simone. J’ai trouvé ce livre assez moyen. Et je n’apprécie pas trop ce genre (ndlr policier). Je n’ai pas du tout cru au personnage d’Ellen, sorte de Shiva, omnipotente et omnisavante. De plus la fin apparaît assez imprévisible, voire invraisemblable. »
Claudine a eu du mal à entrer dans ce roman. Car dès le début de nombreuses questions l’ont taraudée : pourquoi Kathryn est-elle descendue du train ? A-t-elle volé cet enfant et a-t-elle des remords ? A-t-elle abandonné cet enfant par manque de moyens ? Etc.
Des questions évoquées également par Pierre, qui souligne un début du livre sur les chapeaux de roue, avec une idée originale et un premier ressort jugé astucieux et réussi. Mais rapidement fausses pistes et grosses ficelles (notamment l’exercice trop convenu des bonnes ou mauvaises relations entre les deux enquêteurs) parasitent la lecture, jusqu’à déqualifier le coup de théâtre de la fin.
La suite de nos échanges est faite de questionnements, nous réécrivons presque le roman et trouvons d’autres dénouements.
Je laisse à Pierre la conclusion de cette après-midi somme toute fort gaie : « Le diagnostic sur ce livre faisait pourtant consensus. Cependant notre dialogue prit subitement une hauteur partagée par chacun, du moins je le suppose. C’est ce qui fait la richesse de notre club ! »
N’oublions pas la note de René : 6/10
Notre choix de lecture :
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson
Le texte de Pierre
Le nom de Tesson évoque d’abord pour moi Philippe Tesson (1926-2023), journaliste et patron de presse. De son fils Sylvain Tesson, né en 1972, je n’avais retenu que la cabale déclenchée par sa nomination comme parrain du Printemps des Poètes de l’édition 2024.
Sur les chemins noirs comme tous les livres de Sylvain Tesson sont indiscutablement des succès de librairie. Son parcours pédestre de 1 300 km environ lui a fait traverser un grand nombre de lieux que je connais, surtout comme automobiliste. Mais ce qui m’interpelle chez Sylvain Tesson, c’est sa critique de la modernisation des infrastructures routières et autres aménagements de la France rurale. Il oublie que grâce à elles il put survivre, de Chamonix à Annecy puis d’Annecy à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, aux conséquences dramatiques de son irresponsable beuverie.
Sur les chemins noirs se lit de bout en bout aisément mais il me fut désagréable de supporter les rappels incessants à ces voyages dans des pays lointains qu’il ne rejoignit sûrement pas à pied, avec un bilan carbone jamais chiffré. Ce livre de Sylvain Tesson ne remplacera pas un Guide vert, Géo Guide ou similaire pour accompagner mes vacances.
Les commentaires de Christine
Lecture fluide et assez agréable malgré parfois des digressions sur le monde politique et les mesures à prendre ou pas pour « sauver la ruralité ». Ces digressions m’ont parues un peu plaquées. Cependant, ce livre a été écrit en 2016 (2 ans après son accident) et les réflexions de l’auteur sont d’une très grande actualité (cf. les manifestations des agriculteurs de janvier/février).
Sylvain Tesson pointe l’inégalité entre Paris et province, la mort supposée de l’agriculture et de ses territoires, l’aménagement sauvage de la France rurale qui détruit culture et traditions (voir p.30)
p.46-47/p.71 : longue diatribe contre le vie « moderne » et le numérique.
Remarque : Sylvain Tesson utilise le terme d’anti-dispositif pour parler d’anti-système.
Mais un texte plein de poésie quand il décrit les haies, les forêts, les paysages, le passage de l’été à l’automne, les ruptures géologiques, etc. Nous cheminons vraiment à ses côtés et vivons les mêmes expériences sensorielles.
Comme marcheuse, j’ai été sensible à la longueur des étapes : faire 40 km par jour est-ce vraiment réaliste ? Je ne pense pas. Crédibilité et véracité en jeu.
Les commentaires de Simone
Le livre de Sylvain Tesson est avant tout une ode à la nature, au courage et à l’amitié.
Les descriptions de paysages rythment le récit, qui se veut contemplatif :
« Chaque matin le soleil escaladait une barrière de nuages et peinait à passer la herse. A midi c’était l’explosion. L’Aubrac, cravaché de rayons, me projetait en souvenir dans les steppes mongoles. C’était une terre rêvée pour les marches d’ivresse, escaladant les clôtures, traversant les troupeaux, etc… «
L’auteur nous fait part en même temps des réflexions, jugements, opinions que lui suggèrent les endroits traversées. Au fil de sa marche il découvre souvent un nouveau monde rural, transformé par des innovations pas toujours judicieuses, voire incongrues, et initiées par des édiles souvent bien mal inspirés.
– Ainsi un article lu dans le journal La Montagne annonçant « le très haut débit au secours de la ruralité » ne convainc pas du tout notre marcheur.
– Un peu plus loin il est question de ceux qui militent pour la disparition des crèches de Noël dans les espaces publics, d’où, pour rester dans le domaine de la religion, plusieurs explications sur l’utilité des « ferblanteries de la foi » :
• des croix coiffent des centaines de sommets de France
• les cordes attachées aux Vierges de plomb scellées dans le granit permettent aux alpinistes de
descendre en rappel du sommet d’une aiguille.
Cette démonstration pour nous livrer cette pensée : je ne trouvais pas que la croix et les Vierges de grands chemins fussent les pires symboles : il ne fallait pas s’échiner à déraciner les choses si l’on n’avait rien à replanter à la place.
Simone NUZILLAT
Les commentaires de Françoise
Sylvain Tesson, grand Aventurier, explorateur, écrivain,, décide, après un grave accident dû à son inconséquence(abus de boisson), de parcourir à pieds, et en Diagonale, la France, de la Provence au Cotentin.
Il s’est lancé ce défi lorsqu’il était immobilisé sur son lit d’hôpital, à condition de pouvoir remarcher un jour.
A travers ce périple, l’auteur refait la géographie physique et sociale de la France, rêvait au gré de la nature, développant ses sens, dans ces chemins sauvages, qui le ramènent à une vie rurale en train de disparaître.
Après les senteurs de la Provence il chemine dans les paysages calcaires du Centre, puis traverse des lieux où la modernité a fait disparaitre tous les rapports bienfaisants que la nature peut offrir à l’homme.
L’auteur ne se prive pas de quelques apartés où il laisse entendre son avis négatif sur la Société de Consommation, qui prive les l’humanité des bienfaits naturels : villages désertés,, absence de communication verbale…
Tout ceci dans un style imagé (comparaisons, allégories, métaphores) parfois un peu outrancier qui laisse entrevoir son outrecuidance pour faire valoir ses opinions.
Malgré cela, cette lecture pour moi fut « savoureuse » et enrichissante.
F. FRANCIS
La note de René : 7/10
Notre choix de lecture : « La Princesse de Clèves », de Madame de La Fayette
N’en déplaise aux grincheux (et à Nicolas Sarkozy https://actualitte.com/article/94230/numerique/la-princesse-de-cleves-une-nouvelle-fois-victime-de-sarkozy ), le roman de Madame de La Fayette nous a tous séduits ou re-séduits. Aucun des participants n’a boudé son plaisir à la lecture de ce livre écrit en 1678.
Si les 30 premières pages ont paru un peu fastidieuses, c’est tout le décor de la cour et de ses mœurs du roi Henri II (1519-1559, devenu roi de France en 1547) qui était planté donnant un contexte historique riche de personnages, dont la prolifération peut parfois porter à confusion.
Mais, cet « écueil » surmonté, les intrigues, les méandres des relations amoureuses, la finesse de l’analyse psychologique nous ont pris dans leurs filets.
Les malentendus, les secrets révélés par mégarde ou maladresse permettent des rebondissements qui rendent la lecture dynamique et presque haletante. On a hâte de savoir si Monsieur de Nemours parviendra à convaincre la Princesse de Clèves. On accompagne avec émotion Monsieur de Nemours qui s’est introduit de nuit dans les jardins de la Princesse. On enrage du quiproquo qui induit le Prince de Clèves en erreur sur les relations de sa femme avec Monsieur de Nemours.
Et on est partagé sur l’attitude de la Princesse qui refuse son amour à Monsieur de Nemours.
En fait c’est un presque « page turner » au XVIe siècle.
La langue admirable, même si un peu « vieillie », accompagne l’évolution des sentiments de la Princesse, qui n’en finit pas de se débattre entre raison et passion, entre loyauté et mensonge.
Une lecture passionnante pour tous les membres de notre club.
René a d’ailleurs attribué la note de 9 (sur 10).
Notre choix de lecture
« Roman Fleuve », de Philibert Humm
Ce « grand récit d’aventure » a séduit notre club. Une quasi unanimité, malgré les critiques de René qui n’a pas goûté l’humour ni la forme du roman dans lequel selon lui « il n’y a pas d’histoire ». Notre enthousiasme l’a presque convaincu de reprendre la lecture avec un nouvel œil.
Ecrit sous la forme d’un journal de bord (façon Christophe Colomb rendant compte de son voyage vers l’Amérique), ce roman relate la descente de la Seine de trois jeunes hommes à bord d’un canoë acheté d’occasion sur Le Bon Coin. Avec comme voile un rideau de douche accroché à un mât improbable, les voilà partis à la découverte des paysages, depuis le pont de Garigliano (Paris) jusqu’à la mer (le vieux bassin de Honfleur). Des paysages mais surtout des hommes et des femmes, rencontres surprenantes et improbables, aux détours des méandres et des îles du fleuve. Et à chaque fois c’est une aventure, un sourire, voire un grand éclat de rire qui attend le lecteur. Exemples.
La nature
« Après Rolleboise, la nature devint enfin naturelle, c’est-à-dire plus conforme à l’idée que les citadins se font de la campagne. Il y avait des arbres, des coteaux, des châteaux et dans le ciel des oiseaux rigolos. Nous autres, habitants des rues, nous avons un mot pour cela : « bucolique ». Ce mot désigne la campagne telle que nous voudrions qu’elle fût : propre, paisible, champêtre et peuplée d’écureuils gentils. »
« […] détours et circonvolutions que les géographes appellent des méandres. Mon grand-père, celui qui croit au roi Merlin, a une explication là-dessus. Il prétend que la Seine zigzague après Paris car elle est saoule d’avoir traversé la capitale. »
« Une douce brise berçait mon hamac et dans un lointain pas si lointain j’entendais couler une source délicate, petite source, sourcette dirons-nous, car son débit allait tarissant puis goutte à goutte jusqu’au zip terminal de la braguette. Un affreux doute m’envahit. J’ouvris un œil puis le deuxième et découvris Waquet pissant allègrement au pied du frêne où je dormais. Ce devait être reposant d’être si con. »
La culture locale
« Il s’employa ensuite à déchiffrer les inscriptions dont les murs étaient recouverts et qu’on appelle « tags ». Les tags sont des graffitis formant une signature d’intention décorative, tracés généralement à la bombe aérosol. Ils sont un moyen d’expression chez les jeunes gens et aussi une manière de marquer le territoire. À ce titre on peut les considérer comme une forme d’art primitif. Si nous chérissons les peintures rupestres de Lascaux, pourquoi ne pas apprécier au même titre les fresques du tunnel Châtelet-Les Halles ? Adrian n’est pas de cet avis. Il soutient que les tags ne sont pas de l’art et n’ont rien de primitif, sinon leurs auteurs. Il me semble que cette opinion pourrait être jugée réactionnaire mais je n’en suis pas sûr. »
« Tout à coup mon œil s’arrêta sur un éclat de céramique qui me semblait au moins d’époque gallo-romaine. Je ramassais l’artefact et courus tout excité le montrer au major qui l’examina longuement, sous tous ses angles, et déclara que l’éclat provenait plus certainement d’un carrelage d’époque Castorama. Toute fin XXe, début XXIe estimait le major. »
« Les guinguettes avaient connu leur heure de gloire dans le début du siècle précédent avant de disparaître progressivement. Elle tenait leur nom du « guinguet », petit vin aigre produit dans les vignobles d’Île-de-France et vendu dans les belles musettes. »
Le climat
« À mesure que Rouen approchait, le temps se gâtait. D’après mon expérience, il pleut continuellement à Rouen. L’autre jour encore, un Rouennais humide a tenté de me convaincre du contraire mais les statistiques officielles le détrompent : 805 millimètres de précipitations annuelles à Rouen contre 700 de moyenne pour le reste du territoire. On me dira que le différentiel n’est pas si grand et on aura tort : ces 105 millimètres sont précisément ceux qui font déborder le vase. Aussi, ai-je remarqué, à Rouen les précipitations ne se précipitent pas. Elles prennent leur temps pour vous tomber dans le col en grosses gouttes molles, imbiber votre loden et vous détremper jusqu’aux os. Rien ne sert à Rouen d’attendre sous un abribus le temps que ça passe. Ça ne passe pas. L’autobus non plus, d’ailleurs. Je ne m’étendrai pas sur la médiocrité des transports urbains de l’agglomération rouennaise qui ne respectent jamais les horaires affichés sur les panonceaux pourtant prévus à cet effet et se dispensent d’attendre quand ils passent en avance, parce que j’aurais l’air de tirer sur l’ambulance. Ce n’est pas mon intention. Je n’ai rien contre les Rouennais ni contre leur ville que je connais assez mal pour n’y avoir séjourné qu’une seule fois, en famille, à l’occasion du mariage d’un cousin. Il pleuvait, le bus n’est jamais venu et nous avons manqué la noce. »
Les techniques et les conditions de navigation
« Quand on entreprend de descendre un fleuve ou tout autre cours d’eau, il est important de se renseigner sur le sens du courant. Rien de plus désagréable que de ramer pendant plusieurs semaines pour s’apercevoir finalement qu’on marche à contresens. Remonter un fleuve à sa source n’est pas dénué d’intérêt mais c’est nettement plus dur et souvent décevant : le fleuve devient rivière qui devient ruisseau, puis ruisselet puis ru et enfin filet d’eau. Il faut abandonner le canot et finir à pied. Ce n’était pas notre projet. »
« J’ai exposé dans les premières pages de ce livre combien il est pénible de ramer. Les portages ne sont pas moins éreintants. En termes de pénibilité, le ramage se rapporte au portage. Mais alors le halage, mes enfants, ah, ah, laissez-moi vous dire, c’est une autre paire de mayonnaises. (…) J’invite le lecteur qui aurait du mal à se représenter la scène à se reporter au tableau d’Ilia Répine intitulé Les Bateliers de la Volga. »
« Le moral était fixe. Les conditions de navigation excellentes. L’avenir tout tracé. Mais l’avenir n’aime pas bien qu’on le trace. Je crois même qu’il a horreur de ça. L’avenir est comme ces gosses mal élevés ou certaines races de chiens qui n’écoutent pas les ordres et n’en font qu’à leur tête. »
« De l’avis général, nous prîmes sur l’île de Platais une cuite mémorable. « Cuite mémorable » est un oxymore : ça ne diminue pas les maux de tête mais c’est bon de le savoir. »
Les autochtones
« Johnny connaissait la Seine comme s’il l’avait vue naitre. En tout cas il l’avait épousée et jamais n’avait pu s’éloigner de son fleuve de cœur. « La Seine, tu comprends, j’ai passé ma vie dans son lit, je n’ai plus l’âge de découcher… »
« Un aventurier de mes relations nous attendait au restaurant de la Grenouillère. Ce qui serait bath, m’avait écrit Sylvain Tesson la semaine précédente, c’est de vous apporter un panier de cochonnailles à Chatou quand vous y passerez. On pique-niquerait devant l’île des impressionnistes, là où venaient Tourgueniev et Maupassant. Ainsi tout le monde saura que la jeunesse rame. Je t’embrasse mon petit vieux, en espérant saluer les valeureux canotiers vendredi. Mes bons saluts, respects cordiaux, considération distinguée, etc. »
« Spontanément l’éclusier vint à notre rencontre :
– Qu’est-ce que vous foutez là? Veux pas le savoir! C’est interdit à la plaisance sans moteur! Foutez-moi le camp ou j’appelle les poulets !
On le sentait sincèrement préoccupé de notre sort. Des gens que rien n’oblige à vous aider et qui, de fait, ne s’y obligent pas, ne laissent pas de m’émouvoir. »
Le sens de la formule
« Adrian apprit ce jour-là qu’on ne peut se fier à personne et que la vie est une confiture d’injustice tartinée sur le pain rassis de nos désillusions. »
« La réalité dépasse la fiction pour une raison simple : la fiction doit rester vraisemblable. La réalité, elle, n’y est pas tenue. »
« Anthony soutenait que l’insouciance est l’un des ingrédients du bonheur, laquelle insouciance cesse d’être à l’instant même où on prend conscience de celle-ci. »
Vous l’aurez compris. L’humour et la dérision constituent la base même de ce roman (qui n’a de fleuve que le nom car il ne comporte que 270 pages). L’aventure de ces trois-là mérite que l’on prenne la peine de dériver avec eux.
Notre choix de lecture
« La Petite-fille » de Bernhard Schlink
Ce roman a su séduire tous les membres de notre club, qui ont à l’unanimité apprécié la sensibilité du récit et goûté le plaisir de la lecture.
Cette sensibilité, voire délicatesse, est grandement due aux caractères des personnages, très attachants, « qu’on laisse avec peine en achevant le livre », a confié Françoise.
La séparation en deux pays (RFA et RDA), puis la réunification de l’Allemagne est le contexte historique de cette histoire d’amour, de secrets et de transmission.
Kaspar, qui découvre à la mort de son épouse Birgit, que cette dernière a laissé derrière elle une enfant (Swenja) lorsqu’elle a fui la RDA, a quasiment monopolisé notre discussion. Jugé à la fois faible mais sage, mou mais bienveillant, peu psychologue mais concerné, ce libraire berlinois part à la recherche de cette « belle-fille » mais trouve « une petite-fille » (Sigrun) dont il décide de s’occuper pour mieux connaître en fait celle qui a été son épouse durant cinquante ans.
La « stratégie d’approche » de Kaspar envers Sigrun tient presque d’une méthode d’apprivoisement (comme avec un animal sauvage) tant sont différents les repères idéologiques, sociétaux et culturels de l’un et de l’autre.
La première partie du livre est en fait le journal écrit par Birgit tout au long de sa vie pour servir de carnet de notes à un roman qu’elle n’arrive pas à écrire. Elle y expose les raisons qui l’ont fait abandonner son bébé, les raisons qui l’ont fait cacher la plus grande partie de sa vie aux côtés de Kaspar, les raisons de son isolement avant sa mort. Cette partie est un peu laborieuse à lire car assez répétitive, symbolisant le remords ou l’incapacité de Birgit à révéler son secret à Kaspar.
C’est un peu un « livre dans le livre » selon Pierre qui, à juste titre, a souligné la toile de fond historique du roman.
L’autre partie du livre nous fait partager les doutes, les désarrois, les déceptions de Kaspar pour entrer en relation avec Sigrun, la petite-fille de sa femme. La musique est un des moyens du rapprochement entre ces deux êtres si éloignés. La musique et les livres.
C’est en fin de compte à un très grand voyage que nous invite Bernhard Schlink dans ce roman : un voyage dans l’espace (Ouest-Est de l’Allemagne), dans le temps (avant et après 1989), dans le monde des idées (politiques et philosophiques), dans le monde des sentiments (amoureux, filiaux, intéressés). Un voyage aussi dans le cœur de Kaspar, comme l’a qualifié Simone.
A lire et à relire…
Notre choix de lecture
La Chute des géants, de Ken Follett
Ce « thriller historique » nous avait été chaudement recommandé depuis plusieurs mois par René. Nous avons attendu l’été pour enfin prendre en mains et à bras le corps les quelque 1000 pages de ce roman dense et intense.
Notre discussion n’a pas été aussi animée que d’habitude. Sans doute avons-nous été assommés par le nombre de personnages, par tous ces points historiques, par ce mélange fiction/réalité qui tournait un peu la tête.
Quelques déceptions donc, au grand dam de René et de son enthousiasme.
Parmi celles-ci, l’absence de point de vue français a été soulignée avec force. Nous avons vu en fait la Première Guerre mondiale depuis le seul balcon britannique. Malgré le récit de la révolution russe, de la bataille de la Somme, du balai diplomatique entre les Etats-Unis et l’Allemagne, Ken Follett a oublié la France, son gouvernement, son armée, ses poilus, etc.
Cependant, le mélange fiction/réalité historique a été jugé assez habile, même s’il était parfois un peu tiré par les cheveux (notamment dans les rencontres improbables et inventées de responsables politiques de l’époque avec des personnages du roman).
Pierre, d’ordinaire si pointilleux sur les récits historiques romancés, a cette fois-ci davantage apprécié les personnages fictifs que la vérité historique (voir ci-dessous son point de vue).
Simone au contraire a trouvé le caractère des personnages fictifs relativement peu fouillé, ce qui les rend peu attachants. Elle a donné l »exemple du grand cycle romanesque de Roger Martin du Gard « Les Thibault », dans lequel le contexte historique donne de l’épaisseur aux personnages.
Débat éternel entre roman historique et traité d’histoire !
Cependant, chacun a reconnu avoir apprécié cette lecture agréable et fluide, malgré la longueur du récit.
La note de René (sans surprise) : 9/10
Le point de vue de Pierre
La chute de qui ? Sûrement du Kaiser, du Tsar, de l’Empereur d’Autriche. La 4e de couverture présente ce livre comme une saga historique avec des amours tumultueuses, ce qui n’explique en rien la Guerre 14/18. L’historicité y trouve peu de place avec 20 personnages historiques sur 124. Ken Follet (KF) offre un point de vue très « british » avec 5 personnages français.
Points historiques particuliers
– Il faut attendre la page 214 pour lire le premier fait historique : Sarajevo !
– Le SS Ypiranga : le navire bat pavillon allemand, mais les armes transportées sont fournies par John Wesley De Kay, Américain détenant de grands investissements au Mexique. Une contre-vérité ?
– Parler d’un Premier ministre français à cette période est une méconnaissance de la France.
– KF minimise le fait que le général Haig envisageait le retrait de l’armée anglaise qui cédait devant la pression de Ludendorff en mars 1918. Or, le général Pétain sauve l’armée anglaise en lui apportant le soutien de 80 divisions françaises. Pour éviter à Haig une humiliante défaite, l’Angleterre a accepté la nomination du général Foch comme généralissime le 14 avril 1918.
– Fait rarissime, KF reconnait que, dès fin 1918, le peuple allemand n’était pas conscient d’avoir perdu la guerre ; il n’y avait eu qu’un armistice demandé par Ludendorff pour sauver le reste de son armée qui quitta la France en bon ordre. Lourdes conséquences…
Merci à Ken ! J’ai découvert l’intervention anglaise à Vladivostok et l’odyssée sibérienne.
Aspect romanesque
Trois heureuses surprises ! Trois mini-romans que j’ai lus avec plaisir.
– Les extraordinaires aventures des frères Grigori et Lev Pechkov sont un roman à elles seules.
– Avec Lady Maud Fizherbert et Walter von Ulrich, KF nous offre une tragédie cornélienne. Je pense au Cid
« … mon père est l’offensé, Et l’offenseur le père de Chimène ». Noyées dans la saga, leurs amours ne deviennent malheureusement qu’une petite anecdote.
– Le merveilleux parcours d’Ethel Williams, fille de mineur gallois qui en 1923 devient une femme politique, députée aux Communes marquant l’émancipation définitive des Anglaises.
Enfin, je découvre ce fantastique lien entre Ethel et Artemisia, notre précédente lecture, elle qui conquit par son travail le statut de chef de famille et Violet, la brodeuse de Winchester qui put vivre sa vie dans ce nouvel espace de liberté après la Grande Guerre.
Nous avions choisi la biographie Artemisia Gentileschi, par Alexandra Lapierre pour suivre ce(tte) peintre de sa naissance à la fin de sa vie et explorer l’univers artistique du XVIIe siècle en Italie (Rome, Florence, Venise…) et à travers l’Europe.
Notre discussion fut comme chaque mois animée et fort intéressante par la diversité des commentaires.
La vie artistique italienne de cette fin de Renaissance (et début du Baroque) est très bien décrite avec son organisation, ses contraintes. Ce récit historique est agréable à lire (malgré quelques longueurs).
Le contexte historique est très bien expliqué et respecté. Les nombreuses annexes fournissent les documents qui ont été utilisés par l’auteure.
Chacun a reconnu le parcours semé d’embûches (sociales, religieuses, culturelles) Artemisia, qui a fini par s’émanciper de son père et des préjugés pour se réaliser en tant qu’artiste et femme libre.
Le côté « féministe » Artemisia et de son combat pour être reconnue a été souligné. Mais le mot « féministe » n’est-il pas un peu anachronique ?
Notre discussion s’est alors orientée vers la condition et le rôle des femmes depuis l’époque Artemisia jusqu’à nos jours. La peinture Artemisia (et de ses contemporains) a été un peu éclipsée.
En conclusion, cette biographie a été jugée très documentée, son écriture fluide et sa composition réaliste et « concernante ». A recommander pour (re)découvrir cette grande figure de la peinture italienne du XVIIe et les combats d’une femme pour se faire reconnaître.
Pas de note de René.
Les commentaires de Simone
C’est un livre féministe mettant en lumière la première femme peintre qui gagne sa liberté à la force de son pinceau. Toutefois le côté misogyne de la société de l’époque est bien démontré. La représentation de la vie et du milieu artistique italien dans les cités-Etats décrites (Rome, Florence, Venise, Naples) est très intéressante. Le récit abonde en détails sur les pratiques des peintres et les différentes techniques employées. Les relations entre peintres et mécènes ou commanditaires, entre peintres et simples ouvriers ainsi que les chicanes entre peintres reconnus sont bien étudiées.
L’administration de la curie romaine avec les pouvoirs des papes de leur entourage est tout à fait éclairante.
L’interaction entre les pays européens (France, Angleterre, Espagne) est bien montrée ainsi que le très vif engouement pour l’art de ces royaumes (l’art comme levier de domination). A noter l’ambiance des cours royales fourmillant d’espions et d’émissaires de toutes sortes qui chassent les œuvres d’art au profit de leurs mécènes ou commanditaires.
Le parcours Artemisia est fort intéressant. De jeune fille inculte et traumatisée par un viol à 17 ans, elle réussit à s’affirmer, dans une société souvent perfide et malveillante, par la qualité de sa peinture.
On peut cependant se heurter parfois à l’incompréhension de certaines situations se révélant illogiques pour notre société du XXIe siècle.
Les commentaires de Pierre
Ce livre, paru en 1998, avait été remis sur un présentoir de la Médiathèque de Brétignolles alors qu’il n’était plus demandé depuis 2002. Après avoir lu la quatrième de couverture je ne l’ai pas choisi craignant une biographie plus romanesque qu’historique.
Suite au choix du dernier atelier, j’ai retrouvé Artemisia dans les rayonnages alphabétiques.
Je fus d’abord impressionné par l’importance des annexes qui prouvent un réel travail de recherche et qui parfois me parurent plus intéressantes que le texte lui-même, à l’exception de celles en italien, langue que je ne connais pas.
Alexandra Lapierre met bien en valeur ce XVIIe siècle, celui du style baroque qui suit la Renaissance du XVIe de Léonard de Vinci et Michel-Ange en attendant le XIXe avec les romantiques comme Géricault et Delacroix et la profusion des styles et des écoles jusqu’à nos jours.
Par son travail et son talent, Artemisia conquit le statut de chef de famille et la liberté.
Il est à noter qu’à la même époque au royaume de France, les veuves bénéficiaient de tous les droits d’un chef de famille et parmi ceux-ci celui de disposer de leur dote. Ce fut le cas de la célèbre contemporaine Artemisia (1598-1653), la marquise de Sévigné (1626-1696), veuve à 25 ans.
Des femmes de lettres, contemporaines aussi Artemisia, connurent le succès de leur vivant et passèrent à la postérité comme Mme de Sévigné déjà citée et Madeleine de Scudéry (1601-1667) inspiratrice de la Carte du tendre. Mais elles restent des exceptions.
Car n’oublions pas que ce n’est que le 13 juillet 1965 que les Françaises eurent enfin le droit d’ouvrir un compte bancaire en leur nom et de travailler sans l’autorisation de leur mari.
Mais m’étant mis hors sujet, je préfère vous souhaiter à toutes et à tous de bonnes vacances !
Le dernier roman (en date) d’Alexandra Lapierre
Belle Greene (janvier 2021) raconte l’exceptionnel destin de la plus grande collectionneuse de manuscrits et de livres anciens de la Belle Epoque. Elle fut la première directrice de la fabuleuse bibliothèque du magnat J.P. Morgan, en 1900 à New York. Née sans le sou, Belle Greene deviendra la coqueluche de l’aristocratie internationale, et la femme la mieux payée des Etats-Unis. Elle cache toutefois un secret qui l’empêche de se marier et l’oblige à mentir sur tout : son nom, son âge, son lieu de naissance. Car, contrairement aux apparences, Belle est d’origine afro-américaine et la fille du plus grand activiste noir de sa génération. Si quiconque dans cette Amérique violemment raciste de la ségrégation et de la discrimination venait à le découvrir, elle perdrait tout.
De quoi meubler quelques heures de farniente sur la plage ou en forêt…
Bon été à toutes et tous !
Nous avions choisi La Survivance de Claudie Hunzinger pour notre rencontre du mois de mai. Comme d’habitude, notre réunion fut riche et animée. Chacun a convenu que la lecture lui avait été agréable, grâce au style fluide et vivant de l’auteure et l’histoire très prenante, parfois même enivrante. Les aventures des deux héros (Jenny et Sils) et de leurs compagnons à quatre pattes (chien et âne) ont séduit par leur tendresse l’un envers l’autre et leur indéfectible optimisme. Quelques bémols cependant : quelques invraisemblances (et même « inventions », tel l’incendie du musée Unterlinden à Colmar) ont gêné certains d’entre nous. (lire ci-dessous l’avis de Pierre). En résumé, une lecture appréciée et jugée « réconfortante » par la majorité de notre club.
Pas de « note de René » cette fois-ci. Sa présence nous a manqué.
Le point de vue de Simone
C’est un livre qui a beaucoup de qualités (écriture superbe, ode aux livres et à la nature, hommage aux rêveurs) dont le sujet est intéressant a priori (c’est un manifeste de résistance culturelle face à une époque avide de modernité), l’auteure est inspirée (les références littéraires et artistiques abondent) mais paradoxalement pour lequel je n’ai pas vibré et qui m’a laissée assez indifférente…
Le point de vue de Pierre
Ma controverse d’un mélodrame de notre époque.
D’abord, Jenny et Sils, jeunes et passionnés de rêves par les livres, avaient « commencé avec quelque chose de petit et qui l’était resté un long moment, une librairie d’occasions, puis devenu plus petit jusqu’à disparaitre, ce qui était la tendance » avec les librairies en ligne quarante ans plus tard. Ils ne sont pas déclarés en faillite mais ils ferment leur commerce pour ne plus avoir à payer de loyer. Or ils ne sont démunis ni intellectuellement ni matériellement car ils disposent d’un très gros stock de livres négociables, d’un véhicule et de liquidités pour financer les premiers aménagements de la Survivance, leur masure en ruine dans une Zone Naturelle Protégée, donc non habitable.
Par ailleurs, l’incendie du musée Unterlinden est une fake news, une contrevérité ou un mensonge, pour moi c’est la même chose. Par contre, le Retable d’Issenheim est une pure merveille du début du XVIe siècle. Après de longues et coûteuses recherches, il fut magnifiquement restauré de 2016 à 2022. Depuis, il est exposé dans la chapelle du musée.
L’imagination féconde de Claudie Hunzinger aurait pu faire de Sils le génial redécouvreur des matériaux utilisés par Grünewald entre 1500 et 1515.
Sans surprise, nous apprenons que les cerfs brament, que les tiques peuvent tuer un joli toutou et qu’il fait très froid à 1000 mètres d’altitude dans les Vosges. Je confirme : il fait très froid me racontait mon grand-père maternel, né en 1892 à Malvaux, au pied du Ballon d’Alsace à 625 mètres d’altitude. La maison était équipée de fenêtres doubles, l’une à l’intérieur et l’autre à l’extérieur de laquelle on dégondait les vantaux au printemps pour les remettre dès l’hiver venu. Il n’y avait pas encore le double-vitrage.
Je me dois d’ajouter que le désir de liberté de Jenny et Sils est bien légitime. Mais le fait de squatter la Survivance, en contrevenant à la réglementation de la Protection de la Nature, n’est juridiquement pas acceptable. Ce point n’est pas abordé par Claudie. Est-ce un oubli ou le désir de terminer rapidement son roman ? De futiles détails… sans aucun doute.
Le point de vue de Michel
Ce que nous montre Claudie Hunzinger, c’est que les livres nous permettent l’évasion, nous enflamment parfois, nous rapprochent souvent. « Nous sommes nés pour ne rien posséder », s’exclame-t-elle !
Tout se lit. La vie s’éclaire à la bougie. Je crois que notre ami René [malheureusement absent lors de notre rencontre] a dû savourer la présence de cet éclairage moins vif que l’électricité qui nous emmenait dans un monde vacillant et sans certitudes. Nous vivons, nous, dans un univers qui condamne les rêveurs, les passeurs d’imaginaire.
L’auteure met en scène un couple un peu bohème mais touchant. Nous sommes loin de Tik Tok et de ses apparences. Elle consacre cet ouvrage aux livres et à la nature.
Sils cherchera les pigments utilisés par Grünewald pour peindre le Retable d’Issenheim conservé à Colmar. Jenny apprendra la noblesse des cerfs, sa passion nouvelle.
Je terminerai par un petit mot adressé à Jenny et Sils en leur disant simplement « Je vous aime » pour la tendresse que vous manifestez l’un envers l’autre malgré toutes vos difficultés.
Le point de vue de Christine
Comme j’aurais aimé passer l’été avec Jenny et Sils, entre promenades et lectures, entre nuits à observer les étoiles et courses dans les bois à guetter les cerfs ! Mais leurs efforts à isoler sans succès la maison m’ont découragée à partager leur hiver !
J’ai apprécié énormément tout ce qui touche au Retable de Grünewald, que j’ai admiré il y a bien longtemps (au siècle dernier !) au musée d’Issenheim. Ainsi, la quête de Sils des minéraux ayant pu servir à créer les pigments du peintre m’a vivement intéressée.
L’Intimité, d’Alice Ferney
Notre réunion a été un peu désertée le mois dernier. Vacances obligent ! Et parmi les participants peu de lecteurs.
Donc débat plus maigre que de coutume car pas vraiment de contradicteurs ou d’opinions très différentes les unes des autres. Mais débat très intéressant (et intimiste) sur l’opinion de chacun et chacune sur la vie de couple, la parentalité, et les horizons élargis ouverts par notre lecture.
Françoise F., lectrice attentive, a envoyé ses impressions :
« J’ai bien aimé le récit et les personnages jusqu’à l’arrivée d’Alba, l’autre protagoniste du roman.
Dans la première partie, Alexandre et Sandra lient une amitié scellée par la présence des deux enfants, ce qui leur permet de se confier l’un à l’autre, et d’exprimer leurs idées sur la vie.
Sandra est une féministe accomplie mais ne donnant pas dans l’extrémisme, et convertit Alexandre à ses opinions.
Mais quand celui-ci, après plusieurs mois de deuil, lui laisse entendre qu’il voudrait bien refaire sa vie avec elle, il se heurte à un refus catégorique, et Sandra lui suggère de faire des rencontres sur le web pour tenter de trouver la bonne « candidate ».
A partir du moment où Alexandre rencontre celle qu’il « choisit » pour reprendre une vie de couple, Alba, le récit se concentre sur les opinions de cette enseignante, rigide et entêtée, qui se met en tête d’avoir un enfant sans rapport sexuel avec Alexandre, qui cependant, l’épouse!
L’auteur, par l’intermédiaire d’Alba, nous met face à toutes les possibilités actuelles pour les femmes, d’avoir un enfant, de la FIV à la GPA, interdite en France.
Le récit insiste beaucoup trop sur ce sujet, par l’intermédiaire de confrontations d’idées entre les 3 personnages, et on plaint le pauvre Alexandre, qui est le jouet de sa fantasque épouse, et qu’il se sent obligé de « violer » pour lui faire un enfant !
Même si Alice Ferney semble s’être bien documentée sur ce sujet de la maternité, trop de longueurs exaspèrent le lecteur. »
Le point de vue de Christine
« J’ai oscillé tout le long de ce roman entre intérêt et détestation. Il porte très bien son titre, car l’intimité entre les femmes et les hommes y est pour ainsi dire décortiquée : amour, amitié, égalité, dépendance, législation, etc.
L’histoire de ce couple (ou ces couples) m’a laissée un peu froide. Comme le sentiment d’une mise en situation assez artificielle d’idées et de débats plus profonds mais perdus entre anecdotes conjugales, familiales, amoureuses, érotiques, informatiques, etc.
Les personnages, quant à eux, m’ont semblé presque caricaturaux :
Alexandre, l’homme « moderne » bien propre sur lui, un peu mollasson, bon chic bon genre, y compris dans son comportement avec les femmes. Ses interrogations tournent autour de son désir de paternité (avec Ada sa première femme qui est plus que réticente et en meurt et Alba qui lui refuse l’amour physique). Dans les deux cas, malgré sa dépendance à ces deux femmes, il parvient à imposer sa domination : en persuadant Ada et en forçant (violant?) Alba.
Alba, la femme paumée, naviguant entre son désir d’enfant et sa peur d’enfanter. Cachant son dilemme dans une radicalité très raide.Voulant vivre au présent dans un monde futur fantasmé, elle adhère aux mythes technologiques et aux outils à la disposition de son désir.
Sandra, la sage, la nuancée, la passeuse qui fait la médiation entre les mondes : celui des hommes et celui des femmes (elle est célibataire), entre le monde des idées et le monde des pratiques (elle est libraire), entre le monde de l’amitié et le monde de l’amour (elle revendique sa liberté), enfin entre le monde (fictionnel?) de l’autrice (A.Ferney) et le monde (réel) des lectrices/lecteurs.
J’ai refermé ce livre avec soulagement car certains passages m’ont paru trop longs et indigestes (recherches d’Alba sur internet, digressions sur les sites de rencontre). Mais les réflexions engendrées par la problématique du récit m’ont énormément intéressée et m’ont sans doute permis de revoir certaines de mes positions trop tranchées.
En fait je me suis sentie proche du personnage de Sandra. »
La note de René
« Belle et bonne lecture sans histoire, agréable lecture, je viens de le terminer.
Mérite la note de 8 sur 10. »
Le conseil du club « A Livre ouvert »
Un livre à lire pour les réflexions que le récit suscite et pour le plaisir d’une écriture construite et fluide.
Notre réunion du 30 mars
Au Bonheur des Dames, d’Emile Zola
Michel nous fait un compte-rendu très exhaustif de sa lecture. Recommandé par sa petite-fille, ce roman de Zola lui a plu pour plusieurs raisons. Les deux personnages principaux, bien qu’antagonistes, lui ont semblé très bien campés dans le décor du grand magasin : Denise l’a séduit par sa douceur et sa candeur, Octave Mouret lui est apparu attachant malgré son avidité. Mais bien sûr le grand personnage du roman est le Grand Magasin qui « dévore » tout sur son passage : les petits commerçants, le quartier, la vie de ses employés, l’honneur des clientes.
Il souscrit à l’impression générale que la (re)lecture du Bonheur a laissée à l’ensemble du club : des passages parfois trop longs, un peu scolaires mais des descriptions toujours très précises surtout en ce qui concerne les matières des tissus, leurs couleurs, le foisonnement et l’accumulation des étoffes et des vêtements dans les rayons. Ne pas oublier que Zola faisait des enquêtes très fouillées avant d’écrire ses romans. Il nous en reste ses « Carnets d’enquêtes », véritable mine d’informations sur tous les milieux sociaux et professionnels dans lesquels évoluent les Rougon-Macquart.
Maria partage également ce sentiment de trop plein.
René a beaucoup apprécié cette lecture qui l’a replongé dans son adolescence. Il a surtout retrouvé le Zola de l’affaire Dreyfus non pas dans ce roman mais dans l’aura de son auteur, qu’il associe beaucoup à Victor Hugo.
Simone a été déçue par cette relecture qui l’a « laissée sur sa faim » et nous propose de partager avec elle son plaisir de relire un autre roman de la série des Rougon-Macquart : La Joie de Vivre.
Françoise F. explique qu’elle n’a pas relu Le Bonheur des dames car ayant étudié les Rougon-Macquart pour son mémoire de maîtrise, elle connait cette famille par cœur. En revanche, elle nous conseille le livre que Denise Zola (la fille de l’auteur) a consacré à son père.
Pierre, absent, a envoyé un petit mot : « Chez les naturalistes, je préfère les nouvelles de Guy de Maupassant qui évitent les longueurs à répétition. Le Zola que j’admire est le Zola de « J’accuse » qui à lui seul mérite largement le Panthéon. »
Globalement cette (re)lecture a été appréciée pour la peinture très vivante de la société du Second Empire et de la naissance de notre société de consommation. Ainsi que pour la justesse et l’acuité dont témoigne Zola pour rendre compte des progrès et des injustices de cette fin du 19e siècle .
Pour finir, la très bonne note de René : 7 sur 10.
« Un été sans les hommes» (Siri Hustvedt) a reçu un accueil très partagé. Certains n’ont pas accroché à l’histoire, n’ont pas été intéressé par les thèmes abordés, n’ont en fait pas bien compris le sens de ce roman. D’autres ont beaucoup aimé, ont retrouvé des morceaux de leur propre vie. Mais la multiplication des références aux acteurs de la vie intellectuelle nord-américaine et européenne les a rebutés et a pu même leur donner un sentiment d’acculturation. Nous avons tous souligné une lecture « féminine » mais bien exigeante.
Le point de vue de Pierre
Magnifique roman ! Riches analyses ! Des histoires attachantes pour définir le féminin à tous les âges sans l’opposer au masculin. Enrichissante lecture, c’est un livre que je relirai…
Le point de vue de René
Page après page, cuillère après cuillère, je vais manger ma soupe pour faire plaisir à maman !
Eh oui ! Il y a de bonnes soupes que l’on n’aime pas… Je n’ai pas aimé du tout !
Lecture difficile, très féminine, lecture de grandes réflexions, impossible à lire rapidement – toujours à relire deux fois avant de comprendre et de faire partie de l’histoire, de rentrer dans les pensées de l’auteur.
La soupe de mon enfance que je ne n’aimais pas m’a fait grandir physiquement, ce petit livre pourrait me faire grandir intellectuellement. Je ne suis peut-être pas encore prêt ou ai-je déjà vécu tout ce qui est dit dans ce livre ?
L’histoire d’un ressenti après un coup dur de la vie, l’échec d’une longue liaison, quoi de plus banal de nos jours ! Pas de quoi en faire un livre anxiogène et proche de la folie.
Sûrement pas un livre pour les vacances, trop difficile pour moi.
Là encore il manquait une histoire, de la simplicité, quelques phrases qui auraient pu m’intéresser…
Ce livre m’a plongé dans l’angoisse et ce n’est pas du tout ce que je recherche dans mes lectures.
Ma note (pour ne pas déroger à la tradition. Mais aujourd’hui je mettrai 2 notes) :
2/10 pour le ressenti, 8/10 pour avoir osé l’écrire
… Et puis non, je n’ai pas fini ma soupe !
Le récit choisi pour ce début d’année – Là où nous sommes chez nous, de Maxim Leo – a été le prétexte d’échanges enthousiastes et intenses. Chacun des participants a plongé tête baissée dans « l’histoire de cette famille éparpillée » même si les débuts de lecture furent pour certains un peu laborieux. Mais l’écriture alerte, simple, parfois un peu « naïve » de Maxim Leo prend rapidement le lecteur par la main et le cœur. On se sent de la famille après quelques pages. Une lecture agréable donc, facilitée par un arbre généalogique en début de livre. La qualité de la traduction française est à souligner. Notre discussion a rapidement tourné autour de l’appartenance à une communauté (juive en l’occurence) avec cette question existentielle : qu’est-ce qu’être juif pour la famille de l’auteur ? Le destin des Leo est à la fois hors du commun (origine socio-culturelle, exil, dispersion, contexte historique) et banal : combien de familles se sont-elles retrouvées au cours de l’Histoire sur ces mêmes chemins d’exil et de séparations ? Chacun d’entre nous s’est un peu replongé dans sa propre histoire familiale.
La note de René : Toujours sévère, René a attribué le note de 4/10 à ce récit.
L’avis de Pierre : La qualité de la traduction d’Olivier Mannoni offre une agréable lecture. Maxim Leo nous fait vivre le récit poignant des descendants de leur ancêtre juif, Friedrich Leo (1851/1914). Il nous développe donc leur fuite de l’Allemagne nazie à partir de 1930 jusqu’à la chute du Reich puis leur vie nouvelle à Berlin, Vienne, Londres ou Haïfa après la guerre et enfin le plaisir de se retrouver dans la joie lors d’un mariage à Berlin à notre époque. Mon regret cependant : Maxim Leo n’explique pas l’absence d’engagement politique de sa famille pour défendre la République de Weimar, rempart démocratique même pour les juifs quand Fritz Frankel, le premier mari de Hilde, était militant spartakiste en 1918 pour installer à Berlin un nouveau régime, Hans/Hanan, le mari de Nina, par idéal, préféra émigrer en Palestine pour créer un kibboutz « là où l’on n’a pas à se cacher pour être juif… Devenir suffisamment fort pour ne pas redevenir victime » et se battre pour créer Israël, un Etat pour les juifs. Cette dernière constatation amène un autre débat. Heureusement l’auteur prend de la hauteur avec des vraies questions en demandant « qui est juif ou qu’est-ce qu’être juif même pour la famille Leo ? » Certains ne savent pas qu’ils sont juifs. D’autres sont considérés comme juifs mais ne sont pas pratiquants tout en respectant parfois des traditions juives. Hans deviendra un juif fervent au point de partir pour la Palestine. Pour répondre à cette question, Maxim Leo « croit à ce ruban invisible qui nous relie de génération en génération ». Nous pouvons aussi imaginer que ce même ruban peut donner à tous les membres de la famille le sentiment de se sentir berlinois. A mon avis, grâce à sa fin, le lire prend alors une réelle consistance.
Notre choix de lecture (La Bibliothèque de Minuit, de Matt Haig) n’a pas dérogé à notre habitude de discussions. Le club était partagé en deux camps bien déterminés : ceux et celles qui ont apprécié ce roman et les autres qui ont peu ou pas accroché à l’histoire. Les arguments des uns et des autres ont été développés avec engagement et passion. Difficile donc de synthétiser en quelques lignes toutes les opinions. Voici simplement plusieurs avis de lecteurs qui reflètent notre discussion.
Françoise F. Nora est perdue dans sa vie. Elle ressasse ce qu’elle suppose être des échecs : la déception qu’elle a causée à son père, à son frère, à sa meilleure amie. Et voilà que son seul soutien, son chat, Volt, vient de se faire écraser… Elle ne veut plus lutter et décide d’en finir avec la vie. La seule personne qui se soit intéressée à elle c’est la bibliothécaire de son école Mme Elm, toujours de bon conseil, même si elle ne semble s’intéresser qu’à son inséparable jeu d’échecs… L’astuce de l’auteur, Matt Haig, est de faire intervenir cette Mme Elm dans la période d’inconscience de Nora après sa tentative de suicide. Si l’œuvre comporte plusieurs chapitres, on pourrait dire que l’histoire se déroule en 3 actes : 1- La vie d’avant, 2- Les vies rêvées, 3- La nouvelle vie de Nora. Et c’est dans la bibliothèque virtuelle de Mme Elm que Nora va parcourir les vies qu’elle aurait pu vivre, mais qui, finalement, ne sont pas plus désirables que ça.
La leçon que peut tirer Nora de cette expérience, c’est que c’est en elle qu’elle peut trouver les ressources nécessaires pour aller de l’avant et se réconcilier avec elle-même. J’ai aimé ce roman, écrit dans un style simple et vivant. Je me suis parfois égarée dans les personnages que côtoyait Nora dans ses vies rêvées. J’ai préféré certaines vies à d’autres. J’ai aimé la philosophie que l’on peut tirer de l’histoire : la stérilité du regret, tellement bien traduite dans les pages 393 à 395, le rejet de son ego, l’attention et la bienveillance vis-à-vis des autres.
Pierre G. Ce fut un début de lecture difficile pour deux raisons : –c’est une très jolie couverture mais sa quatrième ne présente aucunement le livre, –le cas de Nora m’a trop rappelé celui de Mia dans « Un été sans les hommes » de Siri Hustvedt que je lisais. Nora, jeune femme de 35 ans, dépressive à tendance suicidaire va, grâce à Mme Elm et sa bibliothèque bien particulière vivre plusieurs vies afin qu’elle prenne sa propre vie en mains…en l’écrivant ? Sous des apparences de légèreté, des ingrédients plus ou moins pseudo scientifiques comme la Théorie des cordes, la notion des univers parallèles superposés et la possible navigation de l’un à l’autre peuvent nous fasciner « à condition de ne pas adhérer à une version déterministe de l’univers » comme l’écrit Matt Haig. Ces ingrédients romanesques font penser aux alchimistes médiévaux qui cherchaient la pierre philosophale à laquelle ils attribuaient la propriété de changer de vils métaux en or et de guérir les malades Camus, Sartre, Thoreau que je ne connaissais pas, et d‘autres encore, ne sont là que pour ajouter une connotation philosophique et intellectualiste au roman. Heureusement le jeu d’échecs donne une vision plus newtonienne des vies de la vie, « Il n’y a pas une bonne façon de jouer, il y en a un grand nombre. Aux échecs comme dans la vie, c’est peut-être la base de tout », selon Matt Haig. Le joueur peut toujours rejouer une partie en changeant d’ouverture, il y en a pas moins de 1327 selon l’Oxford Companion Chess.
Pour Nora, la sportive, la scientifique ou l’artiste, la « surconsommation » de vie parait cohérente. Moralement, pouvons-nous sauter d’une vie à une autre sans conséquence pour les autres ? La question mérite d’être posée pour le cas de la vie de Nora mère de Dolly. Comment Nora peut-elle passer d’une vie sans enfant à une vie où, du jour au lendemain, elle devient mère d’une enfant de 4 ans qui dès qu’elle la voit la reconnait mais la trouve bizarre ? Autre bizarrerie : Nora se découvre une cicatrice de césarienne que justifie sa maternité imprévisible dans ses vies précédentes. Si Nora avait le don d’ubiquité, elle devrait porter les stigmates de ses scarifications antérieures. Mère de Dolly elle n’en a pas ! L’invraisemblance fait-elle rêver ? Pourquoi pas ! J’aurais aimé une Nora plus ciselée par l’auteur, pouvoir mieux saisir sa personnalité. J’aurais aimé une Nora plus attachante. Avec tristesse je dis : « Bye bye Nora » et je ferme définitivement le livre.
Françoise L. : Je me suis beaucoup identifiée à Nora. Et en fin de compte je me suis posée la seule question importante : qu’est-ce qu’une vie heureuse ?
René S. : Ma note résume mon opinion : 4/10.
Notre choix de lecture ( Les Pays, de Marie-Hélène Lafon) a suscité un fort échange de points de vue. Car comme d’habitude les discussions sont allées bon train. Difficile donc de résumer et de synthétiser en quelques lignes la richesse, l’intérêt, les critiques du livre d’une autrice que plusieurs d’entre nous découvraient.
De prime abord, certains ont regretté la forme : texte dense, sans presque aucun paragraphe, pas de dialogue direct, absence de ponctuation, énumération sans virgule, vocabulaire parfois recherché, livre trop intellectuel.
Sur le fond, les avis se sont rapprochés pour saluer le courage, voire l’acharnement de Claire, jeune fille du Cantal paysan, débarquant à la Sorbonne et sacrifiant sa vie de jeune fille aux études et au petit boulot qui lui permet de vivre à Paris.
A été soulignée la façon dont l’autrice décrit le fossé entre la vie des champs (la campagne, ses couleurs et ses odeurs, le travail de la ferme, l’attitude du père, le monde rural en déclin) et la vie des villes (la découverte timide de Paris, les amitiés lointaines avec les condisciples, les relations professionnelles à la banque, l’agitation d’un monde prometteur).
Le parcours de Claire est initiatique car il la fait changer de milieu social, de culture. Il est également nostalgique car il acte la disparition du monde paysan, la perte de l’enfance.
La note de René : 6/10.
Notre choix de lecture (Azincourt par temps de pluie, de Jean Teulé) a encore une fois été fort discuté.
Qui a déjà lu Jean Teulé n’a pas été déçu de ce voyage dans la Guerre de Cent ans, sur le champ de bataille d’Azincourt. Tout commence le 24 octobre 1415. Français et Anglais se préparent pour le combat, chaque armée à sa façon. Les Français se réjouissent et fêtent (déjà) leur victoire. Les Anglais, malades, se couchent tôt. Le lendemain, c’est la bagarre. Le 26 octobre, les Français (ou ce qu’il en reste) comptent leurs morts et les Anglais poursuivent leur chemin vers Calais.
Ce sont donc ces 3 jours, pendant lesquels il n’a pas cessé de pleuvoir, que Jean Teulé racontent avec humour et force détails.
Cette « chronique d’une défaite annoncée » (on se souvient de nos cours d’histoire) ridiculise la Chevalerie française et son code de l’honneur (de l’horreur pourrait-on même dire au vu des lances qui empalent, des arbalètes qui transpercent, des arcs qui traversent les corps des hommes et des chevaux). L’art de la guerre transformé en un simulacre de préséance inadaptée, en quelque sorte.
Le tout, bien sûr vu la météo, dans la boue et des armures pesant plus de 40 kilos.
Les passages « crus » n’ont pas été appréciés ou ont laissé indifférents. Il faut bien raconter également les à-côtés d’une armée médiévale (les prostituées, les rejets dégoûtants des « trop-manger » et « trop-boire ») ! Cela met du piquant dans le récit. Et Jean Teulé a du savoir-faire dans ce genre littéraire : raconter la Grande Histoire par le petit bout de la lorgnette. Et il sait nous prendre dans ses filets !
En résumé, une lecture réjouissante à conseiller aux âmes sensibles et aux autres. Même si René a été très sévère sur la note qu’il a attribuée à ce livre : 2/10. La pire note de notre club.
Notre choix de lecture (Tout le bleu du ciel, de Mélissa da Costa) a suscité un vif débat qui a partagé le club en deux camps : les enthousiastes (majoritaires) et les réservés (minoritaires).
La synthèse de notre réunion est donc complexe à réaliser.
Margaret (absente) avait envoyé ses commentaires. Elle évoque « une merveilleuse épopée, la découverte d’endroits en France que je ne connaissais pas, un hymne à la pleine conscience. J’ai pleuré like a baby. Ce conte m’a touchée personnellement. Je pratique la méditation en pleine conscience que j’ai découverte grâce à ma fille et ma belle-fille ».
Françoise (absente) a également écrit quelques mots. « J’ai vraiment apprécié ce livre. L’histoire et le chemin parcouru par les deux héros m’ont bouleversée. C’est vrai qu’il y a quelques incohérences mais je suis passée par-dessus tellement ce livre m’a touchée au plus profond. C’est un premier roman, il faut être indulgent avec l’auteur. Deux personnes qui ne se connaissent pas vont faire ensemble un voyage : le dernier pour l’une, la recherche de l’apaisement pour l’autre. L’amour triomphe et de la plus belle manière : la venue d’un petit être. »
Claudine (absente) n’a pas terminé ce roman qui la passionne et dont elle a hâte d’atteindre le dénouement.
René a, lui, lu un « très bon livre ». Un peu trop long cependant. « On se laisse dériver sur le fleuve de la vie. L’imagination rejoint le rêve. » Un petit bémol : « On aurait envie parfois que ce fleuve devienne torrent. Pour moi, l’eau était trop calme. Les méandres de cette histoire ne m’ont pas conduit jusqu’à l’océan. »
Pour Michel, ce livre est très intéressant car il aborde le thème de la résilience. Joan (l’héroïne) cherche à surmonter un terrible traumatisme. Mais, « les descriptions de paysages, de villages, etc. ne m’ont cependant pas convaincu. » Une citation a retenu son attention : « Il faut avant de donner la vie, l’aimer et la faire aimer. »
Maria a fait une remarque qui nous a tous interpellés et sur laquelle il faudra revenir lors d’autres lectures : « J’ai été portée par l’histoire, mais pas par le plaisir de lire. » A approfondir donc.
Rinette a été sévère, ainsi que Christine. Leurs deux commentaires se rejoignent.
« Livre gnangnan pour les trois-quarts. Il y a 200 pages de trop. La fin est trop sucrée, trop prévisible. » (Rinette)
« Lecture un peu poussive. Beaucoup de clichés (quasiment toutes les citations sont tirées du livre L’Alchimiste de Paulo Coelho, livre très en vogue dans les années 90), copier/coller à partir d’internet de sites touristiques pour décrire certaines particularités topographiques ou certains lieux pittoresques. Livre « feel good » par excellence. La méditation en pleine conscience apparaît davantage comme une pratique « bobo, à la mode » que comme une intériorisation personnelle de l’instant présent et de son environnement. En résumé, un récit bavard, mou et bien-pensant. » (Christine)
Quant à Pierre, pour des raisons personnelles, il n’a pas lu ce roman dont le héros était présenté lors du choix de cette lecture comme atteint de la maladie d’Alzheimer.
Difficile donc de rendre compte de nos échanges riches et engagés comme d’habitude. Et comme d’habitude, également, René a attribué une note : 8/10.
Le livre que nous avions choisi : Mermoz, par Joseph Kessel
C’est un club presque au complet, qui s’est retrouvé exceptionnellement le dernier mercredi de mai pour partager la biographie de Jean Mermoz écrite par Joseph Kessel en 1938, soit deux ans après la disparition de l’aviateur dans la tentative de traversée de l’Atlantique Nord à bord de son avion La Croix du Sud.
Kessel reste Kessel par son style et son écriture, même si Pierre a fait remarquer le vocabulaire assez daté et certaines expressions désuètes. Christine pour sa part a regretté ne pas avoir retrouvé le souffle d’autres écrits de l’auteur dans cette biographie.
La vie de Mermoz (le « Grand Mermoz », comme il était surnommé) apparaît comme un roman, avec ses coups de théâtre, ses passions, ses émotions, et la mort au final. Mais c’est un roman réel mis en mots par l’un des grands admirateurs et ami du pilote de l’Aéropostale. C’est ainsi qu’il devient Dionysos, le plus beau, le plus grand, le plus blond, le plus aimé, etc. Ces qualificatifs reviennent plusieurs fois au cours de la lecture. Un peu lassant, pour plusieurs d’entre nous.
A côté de ce « héros des temps modernes », il est un personnage discret, dévoué mais essentiel pour Jean Mermoz : sa mère. Leur grand amour réciproque nous rend plus humain l’aviateur obsédé par ses objectifs.
Le centre du livre est l’aventure de l’Aéropostale et de ces pilotes courageux qui ont ouvert les lignes vers l’Espagne, le Maroc, le Sénégal, le Brésil, le Chili, etc. Mermoz est le pionnier et le meneur de cette aventure. Sa passion nous est décrite avec force, au risque de faire apparaître Mermoz comme un homme dur, sacrifiant les hommes et les femmes de son entourage pour atteindre son seul objectif : voler, pour ouvrir de nouvelles lignes. Le transport du courrier semble être pour lui plus important que les vies humaines. Comme l’a souligné Pierre : « L’homme n’est pas au centre des préoccupations de Mermoz. Seul compte son objectif. »
Nous apprenons ainsi beaucoup sur la mécanique et les mécaniciens, sur les moteurs d’avion mis au point par des génies du « bricolage », sur les conditions des vols (pas de cockpit, pas de liaisons radio, etc.), sur le monde de ces « fous volants sur leurs drôles de machines ». Passionnant !
Le dernier chapitre relate l’ultime vol de Mermoz et sa disparition tragique.
Cet accident était-il la fin souhaitée par Mermoz ? Il ne se voyait pas devenir un « conducteur d’autobus », comme le lui laissait penser le progrès en matière de sécurité qui faisait disparaitre le sens du risque et de l’aventure. Joseph Kessel laisse la porte ouverte aux interprétations
Le livre que nous avions choisi : Petit traité sur l’immensité du monde, de Sylvain Tesson
Ambiance un peu morose lors de cette réunion. Entre vacances, Covid et charges diverses, les rangs de notre club étaient clairsemés.
Sylvain Tesson n’a laissé personne indifférent. Toutefois, la déception occasionnée par la lecture de son « Petit traité sur l’immensité du monde » était grande chez tous les lecteurs présents. Si la promesse était alléchante lors du choix de cet essai, elle n’a apparemment pas été au rendez-vous de notre lecture.
D’abord, la personnalité de l’auteur qui transpirait entre les lignes de son récit : suffisant, donneur de leçons, parfois inspiré mais en général trop « publiciste ».
Le livre ensuite. Malgré des passages originaux et attrayants (personne n’a boudé son plaisir la lecture des escalades entreprises et des cathédrales grimpées à mains nues), l’ensemble a été ressenti bien « alimentaire », c’est-à-dire qu’ « il a besoin de financer son prochain voyage » (Rinette).
Le vocabulaire de plus a été jugé trop sophistiqué parfois, même alambiqué concernant certains termes, notamment la description très technique de certains paysages (S.Tesson est géographe de formation).
Pas de note non plus cette fois-ci. Pas assez de « juges ».
Le livre que nous avions choisi : Cadix ou la diagonale du fou, par Arturo Perez-Reverte
Quelle réunion les amis ! Bien que tout le monde n’ait pas terminé ce roman d’aventure (les quelque 790 pages du format poche en ont rebuté plus d’un) ou n’ait pas eu l’envie ou le temps de le lire, les échanges entre les quatre lecteurs (qualifiés de courageux) ont été vifs et riches. Guidés par Maria Louisa, nous avons mieux appréhendé certains faits de l’histoire espagnole.
Pierre a souligné à juste titre le côté « marketing » du roman, à savoir les recettes bien huilées pour toujours susciter notre intérêt, éveiller notre curiosité et nous faire tourner les pages jusqu’à la fin.
Rinette a pour sa part été un peu assommée par l’accumulation de renseignements touchant la vie quotidienne de ce Cadix assiégée par les Français de Napoléon, le traité de balistique pour expliquer pourquoi et comment les obus n’atteignent pas leurs objectifs, la revue de détail des bateaux de commerce et corsaires, etc. L’auteur a dû employer une véritable armée de documentalistes !
Les personnages principaux ont également été décortiqués et examinés à la loupe :
Rogelio Tizon, le commissaire de police brutal aux méthodes d’enquête peu orthodoxes
Gregorio Fumagal, le taxidermiste espion au service des Français dont on ne perçoit pas bien les motivations
Simon Desfosseux, l’artilleur français plus préoccupé par la physique des obus que par le gain de la guerre
Pepe Lobo, le courageux et dévoué capitaine corsaire qui ne sait plus trop où il en est face aux beaux yeux de Lolita
Lolita Palma, la femme d’affaires enfermée dans les convenances de sa classe
Frasquito Sanlucar, le marchand de savon, obsédé par la précision
Hipolito Barrull, le joueur d’échec, confident et mentor scientifique et philosophique du commissaire
L’intrigue labyrinthique a été jugée globalement un peu longue, avec ses digressions et explications parfois lourdes.
En conclusion, chacun des lecteurs a tout de même apprécié cette lecture divertissante. Nous avons tous souhaité que notre discussion allèche ceux qui n’ont pas lu ce roman.
Exceptionnellement, pas de note de René : il n’a pas terminé le livre, faute de temps.
Pour ceux qui aimeraient lire d’autres romans historiques du même auteur, nous conseillons fortement :
– Le tableau du maitre flamand,
– Le club Dumas, ou l’ombre de Richelieu
– La reine du Sud
Le livre que nous avions choisi : Là où chantent les écrevisses, de Dalia Owens.
Ce roman a fait l’unanimité de notre club : chacun a apprécié l’histoire, partagé avec plaisir la vie des personnages et surtout s’est enthousiasmé pour les descriptions précises et documentées des plantes, des arbres, des insectes, des oiseaux, etc. qui peuplent le marais de Caroline du Nord.
Rosalie a souligné le côté « guide de survie » du récit, la petite héroïne (6 ans) se retrouvant seule dans ce milieu hostile.
Très ancré dans les années 1950-1960, ce livre nous rappelle, par petites ou grandes touches, les problèmes sociaux et politiques qui ont traversé les Etats-Unis, notamment le Sud : racisme, antagonismes de classe, place des femmes, etc.
La forme du roman, avec ses flash-backs, ses aller-retour (ville-marais), a été relevée ainsi que la poésie qui baigne l’ensemble du récit.
Une lecture enrichissante et « inclassable » selon René qui a donné la note extraordinaire de 9,5 sur 10 à ce roman. C’est dire…
Delia Owens est née en 1949 en Géorgie, aux Etats-Unis. Diplômée en zoologie et biologie, elle a vécu plus de vingt ans en Afrique et a publié trois ouvrages consacrés à la nature et aux animaux, tous best-sellers aux Etats-Unis.
Là où chantent les écrevisses est son premier roman. Phénomène d’édition, ce livre a déjà conquis des millions de lecteurs et poursuit son incroyable destinée dans le monde entier. Une adaptation au cinéma est en cours.
Le roman que nous avions choisi : La Brodeuse de Winchester, de Tracy Chevalier
Winchester, 1932. Violet Speedwell, dactylo de trente-huit ans, fait partie de ces millions de femmes restées célibataires depuis que la guerre a décimé toute une génération de fiancés potentiels. “Femme excédentaire”, voilà l’étiquette qu’elle ne se résigne pas à porter, à une époque où la vie des femmes est strictement régentée. En quittant une mère acariâtre, Violet espérait prendre son envol, mais son maigre salaire lui permet peu de plaisirs et son célibat lui attire plus de mépris que d’amis. Le jour où elle assiste à un curieux office à la cathédrale, elle est loin de se douter que c’est au sein d’un cercle de brodeuses en apparence austère — fondé par la véritable Louisa Pesel — qu’elle trouvera le soutien et la créativité qui lui manquent. En se liant d’amitié avec l’audacieuse Gilda, Violet découvre aussi que la cathédrale abrite un tout autre cercle, masculin cette fois, dont Arthur, sonneur de cloches, semble disposé à lui dévoiler les coulisses. À la radio, on annonce l’arrivée d’un certain Hitler à la tête de l’Allemagne.
Ce roman a été apprécié par chacune et chacun d’entre nous. Pour à peu près les mêmes raisons (dans le désordre) : intérêt pour la période (les années 30), pour la place et la vie des femmes dans l’Angleterre de l’entre-deux guerres, pour la découverte de cette association de femmes autour de la broderie d’agenouilloirs et autres coussins destinés à la cathédrale de Winchester, pour le métier de carillonneur, pour la campagne anglaise.
Nous sommes donc tombés d’accord pour mesurer le chemin parcouru depuis ces années par les femmes… et les hommes : indépendance économique, acceptation sociale de plusieurs modes de vie, rôle social moins tourné vers la vie domestique, etc.
Seul bémol : la fin du livre a unanimement été jugée faible et par trop rapide. En queue de poisson ont dit certains.
Globalement, une lecture très agréable, exquise a même ajouté René qui a avoué être tombé amoureux de l’héroïne Violet. Sa note est à la hauteur de son émotion : 9 sur 10.
Nous avons terminé notre réunion par un goûter autour d’un très bon quatre-quarts confectionné par Rinette, accompagné d’un chocolat chaud et du cidre. Une bonne façon d’ouvrir la nouvelle année.
LE LIVRE QUE NOUS AVIONS CHOISI : LE LAMA BLEU, DE JACQUES LANZMANN Une épopée rocambolesque et stupéfiante où se retrouvent avec tendresse et humour deux grands peuples de l’histoire, les Juifs et les Incas.
Ce que nous avons pensé de ce roman et qui a fait débat: la réunion a été comme de coutume animée. Mais pas facile de rendre compte des opinions des uns et des autres. Globalement tout le monde a pris plaisir à voyager avec les héros de ce roman où le hasard le dispute au fantastique. Une histoire bien “boutiquée” dans laquelle s’enchainent les coups de théâtre inattendus (ou pas). La description de la vie quotidienne des indiens péruviens, jugée dégradante par certains, authentiques par d’autres, ne nous a pas laissé indifférents.
Le point de vue de René:Enfin un livre avec une histoire L’enchevêtrement des religions, des peuples et des coutumes fournit un terrain propice à un récit plein de fantasmes improbables, loin de la réalité. Le début du livre est très difficile, presque ennuyeux. Le langage est très sud américain. Puis on découvre un récit burlesque, l’atterrissage de Tarzan et de sa petite sœur Evelyne. Il nous emmène nulle part et partout à la fois.
Rencontre de deux peuples, deux religions, nous sommes alors à la merci du narrateur, inventif ou documenté…
Bien écrit mais avec de nombreux clichés revisités.
Dieu n’a pas créé l’homme mais l’homme a créé Dieu, car Dieu est partout où l’explication manque. Alors faut-il tout expliquer, tout découvrir ?
Des passages assez crus – physiques et sensuels – mais ne sortant pas du possible (humour, érotisme). A la fin du livre ou de l’histoire, petit plagiat sur le retour en terre promise Exodus 1947 (Espérance dans le récit).
Et toujours une interrogation sur la nature de l’homme : bon, méchant, cruel parfois, mais toujours le “jouet” des religions, des croyances, des pulsions et de ses attentes.
Bonne lecture.
Ma note : 7/10
Livre choisi : L’oubli que nous serons, de Hector Abad (traduit de l’espagnol — Colombie — par Albert Bensoussan)
Petit résumé (extrait de la préface écrite par Marion Vargas Llosa) :
“Dire qu’il s’agit d’une mémoire déchirée sur la famille et le père de l’auteur —qui fut assassiné par un tueur— est certain, mais cela reste limité et infime, car ce livre est, aussi, une saisissante immersion dans l’enfer de la violence politique colombienne, dans la vie et l’âme de la ville de Medellin, dans les rites, les petites choses de la vie, l’intimité et la grandeur d’une famille, ainsi qu’un témoignage délicat et subtil d’amour filial, une histoire vraie transfigurée par son écriture et sa construction en une superbe fiction, et l’un des plaidoyers les plus éloquents jamais écrits contre la terreur comme instrument d’action politique.”
Ce que nous avons pensé de ce livre et ce qui a fait débat:La réunion a été comme de coutume animée et riche d’opinions diverses. Car ce récit a provoqué rejet chez certains (pas d’histoire…), désintérêt chez d’autres (on connait depuis longtemps ces histoires de terrorisme en Colombie…), émotion pour d’autres encore (amour de ce fils pour ce père admiré…). Synthétiser en quelques mots cette réunion n’est pas facile. C’est pourquoi nous publions le point de vue original de Pierre, qui n’a pas fait l’unanimité car jugé trop en marge de l’objet du livre lui-même. Et pour Rosalie, notamment : « C’est presque “oublier” ce père, scientifique médical international qui ne cesse de lutter pour la liberté. Liberté de penser, d’exprimer et de vivre décemment. Cette liberté même qui engendra son assassinat sous un régime totalitaire et répressif»
Tout s’effondre, Chinua Achebe (4)
Tout dort paisiblement sauf l’amour, Claude Pujade-Renaud
Nymphéas noirs, Michel Bussi